L’histoire derrière nos cartes de remerciement

Publié le 13 octobre 2022

Ôde à Ben Gaoussou Sanou

« Tu sais où me trouver, je suis toujours à côté de la vieille mosquée » – Ben

C’est là que j’avais rencontré Ben Gaoussou il y a cinq ans.

Et c’est probablement toujours là que je le trouverai dans 5, 10 ou 20 ans.

Un point de repère immobile et immuable.

Comme l’étoile du berger, Ben est guide pour les voyageurs et les passants. À la même place, toujours. À côté d’un monument qui semble vieux comme le monde : la Mosquée Dioulasso-Bâ, un château de sable géant, chef d’oeuvre architectural et spirituel.

Ben n’a pas été gâté par la vie. La rue est son univers. Avec ses « Frères » musiciens et artistes, il accède pourtant à une formation de guide touristique, apprend le français et un peu d’anglais.

Doté d’entregent, Ben devient guide, là, au pied de la mosquée dont il conte l’histoire avec talent.

Musicien, joueur de bendré, fabricant et vendeur de djembé, Ben aime faire découvrir la vieille ville ou t’emmener visiter quelques joyaux de la région : Gaoua et le musée Lobi, les pics de Sindou, les cascades de Banfora… De retour à Bobo, il te proposera de taper sur un tambour, improvisera un jam avec son band, t’emmènera par les ruelles rencontrer les artisans et artistes locaux.

Ben est attachant, sympathique, dévoué. Mais Ben, assis là à côté de la vieille mosquée, n’a pas vu le temps passer. Et, en passant, le temps a emporté les touristes et les amateurs de djembé, les concerts et les festivals, et même un minaret de la mosquée, qui s’est effondré sous l’effet du vent et des pluies.

Ben, assis à sa place, n’a pas vu que le marché du djembé s’est tari, est passé de mode. Et que peut-il face à la pandémie et à l’insécurité qui ronge son pays et fait fuir les touristes ?

D’aucuns disent, une certaine idée de l’évolution, que Ben n’a pas su, ni pu s’adapter dans cet environnement hostile en perpétuel mouvement. 

Mais Ben, avec la patience et la ténacité de l’homme qui reste assis à la même place, n’a jamais cessé de me donner des nouvelles au long de ces cinq années qui nous ont séparé. Car Ben sait rester présent dans ton coeur et dans le coeur de tous les gens qui vont et viennent autour de lui, électrons en folie autour du céleste noyau.

Car Ben, assis à côté de la mosquée, prie Jah et Allah, et diffuse ses bénédictions comme l’onde après la chute d’une roche dans l’eau.

Alors, même si Ben n’a pas joué le jeu de la compétition, s’il s’est laissé débordé par les fabricants occidentaux de djembé, s’est laissé submergé par les modes, englouti par les crises mondiales et nationales, comme la moule agrippée à son rocher, en symbiose avec les éléments, Ben a trouvé sa stratégie de survie!

Et cette stratégie c’est, hormis la constance de sa posture, sa formidable capacité à créer des liens, à collaborer et à transmettre. 

Le marché oui, mais les artistes ?

Ben m’en a fourni la preuve aujourd’hui. Je cherchais un peintre pour réaliser des cartes de remerciement pour mes clients. Je me souvenais qu’il y a 20 ou 30 ans au Burkina la business de la carte peinte à la main battait son plein. Mais, là aussi, temps, vitesse et internet obligent, le marché de la carte a disparu.

J’ai donc été trouver Ben, assis là à côté de la belle mosquée amputée. Et lui a su trouver les artistes peintres, repliés dans une ruelle, loin de l’agitation du monde. Il m’a présenté Madou, reconverti en marchand de glace et de café, mais avec la blouse toujours maculée de mille tâches de couleur et d’éclats de peinture. En quelques coups de pinceau, Madou a esquissé ma commande tandis que Ben arbitrait la négociation.

L’affaire entendue, j’ai raccompagné Ben au pied de la grande mosquée.

Grâce à ses talents de catalyseur, et parce qu’il est resté à la même place depuis tout ce temps, sa place, Ben a gagné ce jour-là de quoi passer sa semaine, et peut-être un peu plus.

Puis Ben m’a laissé filer, reprendre ma course à travers le monde, avant de retourner s’asseoir à l’ombre de la grande mosquée.

Alors, si tu viens un jour à Bobo-Dioulasso, demande le chemin de la vieille ville et passe voir Ben Gaoussou. Il sera assis là, à côté de la vieille mosquée, content de te guider, de t’aider et de te montrer ses djembés.

« Tu sais où me trouver, je suis toujours à côté de la vieille mosquée » – Ben

C’est là que j’avais rencontré Ben Gaoussou il y a cinq ans.

Et c’est probablement toujours là que je le trouverai dans 5, 10 ou 20 ans